Comment comprendre les évolutions du marché des noms de domaine ?
Rapport Verisign & Afnic, comprendre et interpréter les chiffres sur l'année 2019 - 2020 !
Connaître les évolutions du marché des noms de domaine est la clé d’une lecture qualitative de cette industrie. Connu pour être un secteur en pleine évolution, nous étudierons dans cet article les différents rapports des registres Verisign, Afnic et l’EURid.
L’objectif sera d’interroger les résultats afin de comprendre ce qu’ils révèlent de l’évolution du marché des noms de domaine.
De manière générale, les résultats du premier trimestre de l’année 2020 affichent des chiffres prometteurs. En effet, en comparaison avec l’année 2019, on peut constater une augmentation du nombre de noms de domaine annuellement enregistrés. Quelles sont les extensions participant à cette hausse d’enregistrement ? Comment expliquer que certaines extensions inconnues soient considérées comme leader sur le marché des noms de domaine ? Explications à suivre !
– TLD n.m. : Top Level Domain (ou domaine de premier niveau en français) est l’appellation technique des extensions.
– ccTLD n.m. : Country Code Top Level Domain (ou domaine de premier niveau national en français) regroupe les extensions à deux caractères correspondant à des pays.
– gTLD n.m. : Generic Top Level Domain (ou domaine de premier niveau générique en français) est une extension générique de 3 caractères et plus correspondant à un secteur d’activité, acronymes, etc.
– ngTLD n.m. : New Generic Top Level Domain sont les nouveaux domaines de premier niveau génériques. Cette catégorie regroupe les gTLDs lancés fin 2013 avec le .شبكة (qui veut dire “.web”, et se traduit en “.shabaka”). Elles viennent en opposition aux Legacy qui sont les .com .net etc ….
Notez que les ccTLDs, gTLDs & ngTLDs sont tous des sous-catégories de la famille des TLDs.
Le .COM, une extension omniprésente sur le marché des noms de domaine
Nul besoin de présenter cette extension qui se manifeste partout sur le web. Elle représente 40,15 % de la totalité des noms de domaine enregistrés dans le monde. Et avant 2013, cette extension détenait près de 50% du marché ce qui signifie qu’1 domaine sur 2 était en .COM.
Ainsi, on note une hausse de 4,47% d’enregistrement de .COM sur le premier trimestre de l’année 2020 en comparaison avec celui de l’année 2019.
A la vue de ces résultats, il semble indéniable qu’un domaine en .COM reste une solution privilégiée par nombre de titulaires. Que ce soit pour des projets internationaux, une visibilité reconnue, le .COM poursuit son ascension. Reste à noter que, du fait de cette prédominance, de nombreux domaines ne sont pas disponibles à l’enregistrement. Une façon d’expliquer l’émergence de nouvelles extensions spécialisées telles que les ngTLDs.
Les ngTLDs, de nouvelles extensions avec le vent en poupe … ou d’excellentes techniques marketing
Quelle part de marché ces extensions représentent-elles ?
Comme expliqué auparavant, la large domination du .COM sur la base d’enregistrement des noms de domaine rend parfois la tâche compliquée aux titulaires. En effet, pour peu que le nom de votre entreprise soit relativement commun, il y a peu de chance que votre nom de domaine en .COM soit disponible (à titre d’exemple, plus aucune déclinaison entre 1 et 5 caractères n’est disponible, de même pour les termes génériques). C’est pourquoi, de nombreux ngTLDs ont fait leur apparition depuis quelques années. Ces extensions sont des terrains vierges et tous les noms de domaine étaient disponibles.
Il s’agit majoritairement d’extensions descriptives et donc avec un fort intérêt marketing : .vin , .boutique , .contact , .paris, etc,.
Si l’on compare la part de marché de ces nouvelles extensions à la totalité des domaines enregistrés, on remarque qu’il s’agit tout de même d’un chiffre considérable. En effet, 8,8% des noms de domaines enregistrés le sont avec une de ces nouvelles extensions. Soit une augmentation de près de 40% entre l’année 2019 et 2020.
Si l’on étudie de plus près ces chiffres, on remarque que les trois ngTLDs les plus populaires sont : le .icu (19,6%), le .top (11,4%) et le .xyz (8,2%).
Focus sur les 3 ngTLDs les plus populaires
Le modèle du .xyz
Comme montré sur les graphiques ci-dessus les ngTLDs les plus populaires sont : le .icu / le .top et le .xyz. Comment expliquer une telle ascension ?
Pour résumer, ces 3 extensions ont le même modèle économique. Ce modèle a été initié par Monsieur Daniel Negari qui n’est autre que le CEO de XYZ (la société gérant l’extension .xyz). En bref, le principe est de proposer un prix de vente en “promo” permanente à 1$ ou moins. Un prix aussi bas attire donc fatalement de nombreux utilisateurs. Le bénéfice pour le registre se fait au moment du renouvellement. En effet, le prix de renouvellement reste à un prix “normal” avoisinant les 8$.
Le calcul est simple, si 1 million de domaines sont enregistrés à 1$, cela fait une recette de 1 million $. Or, si l’on vend 100.000 domaines à 8$, le bénéfice est moindre. D’autant si l’on considère que le taux de renouvellement n’est jamais égal à 100%. Avec la logique d’un prix attractif et d’un renouvellement “normal”, même si une partie des titulaires décide de ne pas renouveler, on garde tout de même un volume intéressant avec un prix de renouvellement 8 fois supérieur au taux d’enregistrement.
Donc même si ce pourcentage de renouvellement n’est que de 10% des utilisateurs, cela représente quand même 100,000 domaines soit 800,000$ … vous avez compris le système ? C’est exactement la même chose avec les .icu et .top.
La réponse du .icu & .top
Les .icu et .top ont testé, via des promos ponctuelles, si le modèle du .xyz pouvait être appliqué à leur extension. Si l’on étudie les courbes de ces extensions, on peut noter des pics lors des promos et des creux l’année suivante lors des renouvellements.
La réponse du marché ayant été positive, ils affichent depuis un prix “promo” permanent et ont largement dépassé leur mentor en termes de volume de noms de domaine.
Reste à savoir combien sont réellement exploités dans de réels projets avec une communication réalisée via un domaine en .xyz, .icu ou .top …. Posez-vous la question : “Combien avez-vous déjà vu de pubs, d’article ou de site communicant sur l’une de ces 3 extensions alors qu’elles cumulent plus de 13 millions de domaines” ?
Les ccTLDs, les extensions nationales maintiennent leur part sur le marché des noms de domaine grâce à certaines exceptions
Evolution & parts de marché des ccTLDs
Les ccTLDs représentent une part considérable du marché des noms de domaine (38%). Bien sûr, chacune est propre à un pays. Il est donc logique que leurs parts de marché soient moins importantes que des extensions internationales comme le .COM. De plus, il est également logique que le .CN (Chine) se trouvent parmi les ccTLDs les plus largement représentés. Il y a, de fait, une corrélation entre les parts de marchés commerciaux et les parts de marchés des noms de domaine.
On remarque ainsi que les 10 premiers ccTLDs (sur 307 existants) représentent 65,4% du marché.
Néanmoins, certaines extensions comme le .TK (archipel d’îles Tokelau) arrive en pole position. Comment expliquer ces disparités ?
Un cas particulier : le .TK (Tokelau)
Comment l’extension nationale d’un petit archipel des îles Pacifiques peut-elle se retrouver au 2ème rang des TLDs les plus utilisés mondialement. En effet, juste derrière le .COM, vous pouvez découvrir le .TK.
Bien sûr, il y a une explication rationnelle. En effet, ce ne sont pas uniquement grâce à ses 1 400 habitants que les 25,1 millions de domaines ont été enregistrés. En réalité, il s’agit d’une opportunité saisie il y a quelques années par un entrepreneur néerlandais Joost Zuurbier, de commercialiser cette extension gratuitement. Notez néanmoins qu’il y a deux manière d’acquérir un .TK soit gratuitement et à ce moment là vous n’êtes pas titulaire du domaine, soit en l’achetant comme n’importe quelle extension. Cet entrepreneur a décidé d’étendre cette pratique à d’autres extensions telles que le .ML / GA ou encore le .CF.
Ainsi, partout dans le monde, les domaines en .TK fleurissent. Et, même si cette décision commerciale laisse la porte ouverte à de nombreuses pratiques malveillantes (phishing, spam, malware, etc.) durant de nombreuses années, les habitants de Tokelau ont profité de ce business. En 2006, les bénéfices dus à la vente de leur extension nationale représentait 1/6 du PIB (le .tk est payant pour les marques et les domaines de moins de 4 caractères).
Focus sur 2 ccTLDs : le .FR & le .EU
Voilà deux extensions typiquement représentatives des ccTLDs. L’extension nationale française (le .FR) et celle propre à L’Europe (le .EU). Sur le classement des ccTLDs les plus utilisés, ces deux extensions se positionnent respectivement à la huitième (.EU) et neuvième place (.FR).
Il est intéressant de constater que les dynamiques en termes de croissance de ccTLDs dépendent entièrement des régions et des habitudes de consommation locale. L’Europe par exemple, compte le plus grand nombre de ccTLDs à forts volumes. Ainsi, la part des ccTLDs sur le marché européen des noms de domaine est de 62%, contre 40% comme moyenne mondiale.
Cela s’explique notamment par la prédominance du .DE (Allemagne). Avec ses 16,4 millions de domaines enregistrés, le .DE se positionne au quatrième rang mondial des extensions les plus utilisées. Au delà de cette dynamique germanique, force est de constater que les Européens sont attachés à leurs extensions nationales.
Ainsi, le .FR connaît une augmentation légère de son nombre d’enregistrement et gagne 0,1 million sur l’année 2019. A l’inverse le .EU perd 0,1 millions et maintient malgré tout sa place dans le classement des ccTLDs les plus utilisés.
Les IDN, un challenge majeur pour le marché des noms de domaine
Qu’est ce qu’un IDN (nom de domaine internationalisé) ?
A l’origine un nom de domaine est une suite de caractère permettant à n’importe quel utilisateur d’accéder à une adresse IP. En traduisant une suite de caractère par une adresse IP, la démarche de l’utilisateur est simplifiée et la navigation plus fluide. Originellement, les caractères autorisés étaient limités aux caractères ASCII soit a – z et 0 – 9.
En l’an 2000, dans une logique de diversité linguistique, il a été décidé d’internationaliser les caractères autorisés aux caractères non latins, notamment à l’alphabet arabe, cyrillique, grec et asiatique. Cette ouverture posait et pose encore de nombreuses questions et problématiques techniques.
Part de marché et évolution des IDNs vingt ans après
Depuis 2017, le nombre d’IDN a augmenté de 20%. Ce qui révèle une part grandissante des extensions acceptant ces types de caractères. Malgré cela, les IDN ne représentent qu‘une infime part du nombre total des noms de domaine (2,5%).
Il faut, de plus, compter parmi ce nombre que la Chine possède à elle seule plus 3,9 millions d’IDNs se hissant ainsi à la première place des consommateurs de noms de domaine internationalisés.
Comment interpréter ces résultats ?
Cela va sans dire, le challenge est immense. Et l’acceptation universelle des alphabets non latins est loin d’être acquise. Cette disparité pose malgré tout la question de la diversité linguistique. De nombreuses études prouvent que le fait de pouvoir s’exprimer, visiter des sites, et rechercher des contenus dans sa propre langue favorise le développement d’une culture digitale locale.
Il y a donc de réels enjeux à développer les noms de domaine internationalisés.
Le mot de la fin !
Si l’on peut retenir une chose de ces statistiques, c’est que le secteur des noms de domaine a une croissance stable d’années en années. La prédominance du .COM et d’autres TLDs internationaux est sans équivoque. Le marché européen est celui où les extensions nationales sont les plus largement recensées notamment grâce à l’Allemagne.
Les ngTLDs ont, quant à eux, une croissance annoncée comme exponentielle mais que l’on peut relativiser. Les techniques marketing pouvant, dans certains cas, fausser les chiffres relatés par les registres.
La croissance des IDNs est présente, malgré de réels challenges à venir. Mais, face à un marché asiatique et notamment chinois en pleine expansion, nul ne pourrait douter que les moyens sont et seront mis en place pour pallier au manque d’internationalisation des noms de domaine.
Le conseil de Sébastien ALMIRON (Directeur Commercial et Marketing chez Netim) est simple :
“Devant cette multitude d’extension, vous ne pourrez pas tout enregistrer, il convient donc d’enregistrer votre .COM, la ou les extensions dans lesquelles vous êtes présents (ou prévoyez de l’être) ainsi que les nouvelles extensions ayant un sens pour votre activité.”